La culture d’Aubergine quant au monde, à son fonctionnement, à ses contextes géopolitique, militaire, artistique et autres, est à peu près aussi développée que celle d’un petit pois.

WOH ! J’te paye pas pour dire de la merde !

C’est vrai. Tu me payes pas.

Je… Je… Ouais, mais tu pourrais commencer par quelque chose de plus mélioratif.

Pcht, t’as déjà la flemme de te présenter toi-même, alors fais pas la difficile. Je continue. Loin de s’y être déjà penchée, et ayant été élevée dans des communautés restreintes, elle juge les accords mondiaux et connaissances globales vaines. Utilitariste à son échelle, elle met tout en œuvre personnellement pour que ses proches vivent bien, ni plus ni moins.
Contente ?

Mouais… t’es pas ouf comme narrateur mais ça fera l’affaire.

Merci, je continue. Si elle éprouve un certain mépris envers les quelques clichés qu’elle entretient sur Remnant, ce ne sont pas ses habitants qu’Aubergine renie. Au contraire, la jeune femme a de l’amitié à revendre. Sociable et très à l’aise avec les autres – trop à l’aise -, elle est toujours la première partante pour lier un nouveau contact. Au-delà d’un air de bonne vivante, cette partie d’elle cache surtout sa plus grande peur : se retrouver seule. Aubergine a toujours vécu en groupe, soit dans son peuple natal, soit avec les bandits qui l’ont élevée. Et le peu de pertes qu’elle a connu l’ont profondément marquée. Paradoxalement ou pas, cela ne s’applique pas à sa famille. A vrai dire, les relations qu’elle entretient sont, sinon plates, inexistantes. Il en a toujours été ainsi, car vivre dans une communauté telle que la sienne ne forge pas les liens : une centaine de personnes à considérer, c’est trop pour pouvoir s’attacher.

Ce côté d’elle est particulier, propre à son ancienne vie. A présent, Aubergine voit son enfance comme une parenthèse au début d’une phrase, une bizarrerie qui a placé ses fondations en elle mais qui n’a pas su la créer totalement. Car si les démonstrations de sentiments étaient autrefois taboues, elle s’est libérée de la névrose de son passé et est devenue un véritable bouillon d’émotions. La plupart du temps, ce ne sont que bonne humeur, humour de bon goût – ahem –, amitié sincère… que du bon ! Mais comme tout un chacun, Aubergine est parfois en proie à ses démons, et c’est alors que la peinture entre en jeu. Son unique solution pour se canaliser, c’est l’art graphique. C’est là que ses émotions, plutôt que de s’embourber dans un tourbillon vers les abysses de son âme, s’assemblent délicatement sur un long fleuve tranquille. Elle peint tout et rien, souvent des œuvres abstraites, qui n’ont de sens que pour elle.  Bien qu’elle rêverait de les partager, il y a une raison à cela : Aubergine ne sait pas peindre. Nulle, archi-nulle, même, en dessin et tout ce qui s’en approche, Aubergine est une bien piètre artiste.

N’IMPORTE QUOI ! C’est to-ta-le-ment faux ! J’ai juste… de l’originalité.

Je vois. Cite-moi une seule personne qui n’ait jamais aimé un seul de tes dessins.

…

Bien. A ce jour, elle n’a encore rencontré personne pour admirer son non-talent. En même temps, quand tu penses qu’un Grimm est une œuvre d’encre gigantesque, et que l’un de tes rêves est d’en créer un, tu pars pas sur les bonnes bases pour trouver des mécènes. Elle touche un peu à la sculpture, mais c’est un détail sur lequel il n’est pas nécessaire de s’étaler – c’est encore pire.

MAIS !

Chut ! Complexée par son absence affligeante de talent, désireuse de devenir une artiste reconnue, ou juste de savoir peindre, c’est ce rêve qui fait aussi sa seconde plus grande peur : ne jamais réussir à faire un tableau satisfaisant. Mais elle ne perd pas espoir. Elle n’a de cesse de s’entraîner pour atteindre son but. D’ailleurs grande excitée, hyperactive indéniable, elle est incapable de tenir en place plus de trente secondes, ce qui, couplé à son enfance un peu sauvage, a pour effet de la conduire à des comportements particuliers, parfois gênants. C’est un esprit libre, naturel, très proche de la nature, et il n’est pas rare qu’elle tente de renifler le sol, les murs, les gens, pour trouver une piste hasardeuse. Evidemment, son odorat est trop peu développé pour que cela la conduise où que ce soit.

Je vois pas ce qui te gêne.

Justement. En clair, tu n’as pas totalement saisi les codes socio-culturels du monde auquel tu appartiens.

Pas compris.

Toi y en as aimer courir toute nue dans les champs plutôt que de te balader tranquillement en ville. Compris ?

Ouais, mais je vois toujours pas ce qui te gêne.

Tant pis pour toi, tu apprendras un jour. Peut-être.